Le Saint-Cyr des années 70 était une bonne école de la volonté et de la maîtrise. Que ce soit en matière de bahutage ou de formation militaire, il est certain qu'il faut en avoir subi ou réalisé 10 fois plus que ce qu'on est supposé devoir par la suite demander à nos subordonnés.
Les programmes de culture générale (la Pompe) étaient de haut niveau, bien que sans trop de cohérence entre les modules. Le gros défaut résidait dans l'alternance entre la Pompe et le Mili. En 1982, les rythmes de formation ont évolué. La scolarité est passée de deux à trois ans et des phases distinctes de formation militaire et de formation universitaire ont été instaurées. Il me semble que maintenant Saint-Cyr peut avoir la prétention de former globalement des officiers de qualité et de véritables ingénieurs, pour ce qui est des scientifiques.
En ce début du mois d'octobre 1970, le car qui nous
avait récupéré en gare de Rennes se mit en route après
que le chauffeur eut reçu cet ordre clair et bref : "Direction
la Spéciale". Après un trajet qui me parut assez court,
le car s'arrêta devant les bâtiments qui faisaient comme un peigne
blanc. Nous descendîmes, le sac à la main et fumes accueillis
par des militaires en képi, de notre âge. Aussitôt, je reconnus
LALOUE, un de mes vieux copains des Andelys, en deuxième année
de scolarité, et me dirigeais promptement vers lui en lui tendant la
main.
- "Restez avec les autres, nous allons faire l'appel et vous affecter
dans différentes sections ..."
Je compris ainsi, ébahi par la fermeté de la voix qui me remit
en place que le rêve était fini. J'étais arrivé
à Saint-Cyr, école de formation des officiers de l'armée
de terre où j'ai eu beaucoup de mal à me faire aux jeux de la
double personnalité : celle du Service et celle du Hors Service. Ce
jour-là, LALOUE était de service comme je l'ai connu souvent
pendant ma première année, car il était ma gradaille,
chef de chambre. Quand nous n'étions pas de service, il redevenait
un copain, faut-il le dire quand même avec beaucoup plus de retenue
de ma part ...
Ces quelques lignes auraient pu constituer le début de mes mémoires à Coët. Malheureusement, je m'arrête là, car ma faible mémoire et mon absence totale de capacités littéraires ne me permettent pas de construire un document concis et cohérent. Je ne relaterai donc, ici, que quelques souvenirs qui ne sont certainement pas le reflet d'une scolarité qui m'a fait passer du jeune à l'adulte et que j'ai globalement appréciée.
Ecole Spéciale Militaire
de 1970 à 1972
En quittant la Corniche à Aix (= Prépa Cyr = Maths Sup et Spé pour moi), j'avais un bon niveau d'études générales. Je dis franchement que, pendant deux ans à Coët, certes j'ai appris le métier d'officier apte à commander une section de combat d'Infanterie sur le terrain, mais en ce qui concerne les connaissances scientifiques, je n'ai absolument rien appris. Contrairement à moi, certains ont fait le trou en Pompe (cours académiques), surement les mêmes que ceux qui ont terminé Généraux. Cours sur les moteurs asynchrones, les transistors, la résistance des matériaux, cours d'histoire militaire ...J'étais tellement fatigué par les exercices nocturnes (dont le bahutage) et l'instruction militaire sur le terrain que je me retapais en faisant un petit somme dès que j'étais dans certaines salles de cours (réaction très vite pavlovienne). C'est ainsi que j'eus la satisfaction d'aller deux fois à l'Ours ("prison" de type assez particulier où nous purgions les grosses punitions).
Je suis sûrement maso, mais j'ai certainement préféré
être bahuté que bahuter. Enfin, j'ai bien aimé les deux,
ce qui est certainement dû à mon expérience aux enfants
de troupe.
Tout cela se passait la nuit sans que la programmation des activités
officielle ne soit perturbée. Si on se salissait par hasard dans la
boue, il fallait à tout prix nettoyer dans la foulée. Il faut
dire que nous avions des salles d'eau, des pédiluves et des séchoirs
correctement dimensionnés !
Il y avait des grands classiques comme le ramping dans des pistes à
char toujours largement pourvues de boue, les passages dans le métro
constitué par les égouts qui faisaient le tour des cours de
rapport de chaque compagnie, ...
Le plus spectaculaire, c'était les "240", comme le nombre
d'effets, à une certaine époque de l'histoire des Saint-cyriens,
de chaque paquetage individuel. D'abord un 240 section (22 paquots), puis
un 240 compagnie (66 paquots) et enfin le 240 bataillon où, pour ce
dernier les 196 paquots sont mélangés dans la fosse du parcours
du risque : il faut 3 jours pour que chacun retrouve ses affaires.
Plus cool, il y avait les turnes section, à disposition de la Fine,
où là Affreux et Bazars apprennent à mieux se connaître
autour de sketches parfois arrosés.
Des indisponibilités qui ne pardonnent pas :
- Un genou en compote au cours de vacances de neige mémorables à
Seyne-les-Alpes
- Une cheville foulée en jouant au volley-ball (plâtre)
- Une opération de l'appendicite
Dès le début de ma scolarité, mon père qui était à l'époque le Chef du Bureau Instruction à la DCMAT, m'avait dit qu'en sortie de Saint-Cyr, j'aurai la possibilité de choisir le Matériel. Évidemment, cette information était très confidentielle. Que n'avais-je pas fait de le déclarer aussitôt au Vorace! "Allons, PERRIN, à Saint-Cyr, on ne prépare pas les Services (...) Ici, on forme des officiers essentiellement destinés aux armes de mêlée".
En fin de 2ème année, peu de temps avant l'amphi armes, l'information officielle arriva, donnant ainsi la possibilité à 4 élèves de choisir le Matériel. Ce fut le scoope qui malgré mon mauvais classement, me permit de choisir le Matériel ...
Hélas, comme l'ESAM de Bourges n'était pas préparée à accueillir des officiers Saint-Cyriens, les 4 Matériel ont dû intégrer des écoles d'application d'armes pour ensuite faire deux années de chef de section ou de peloton. Cette situation d'utilisateurs d'équipements lourds avait été jugée très formatrice pour des officiers qui par la suite comprendraient mieux pourquoi et comment ce qu'ils avaient à réparer était tombé en panne. J'ai pu choisir l'Arme Blindée Cavalerie.
En plus des marches et des exercices de combat normaux, pendant la période de bahutage de la première année, la moindre sanction se transforme en une marche à faire souvent en compagnie de nombreux autres Petits Cos. Côte 123.0, Grande Bosse et le nec plus ultra pour les grands jours, le Bois du Loup (14 km aller-retour). Gare à celui qui n'a pas mis l'enveloppe timbrée à l'adresse des parents dans la poche droite et la boîte de cirage dans la poche gauche du sac à dos. Comme j'étais détenteur dépositaire de l'AA52, fusil-mitrailleur de 11 kg, j'avais la chance de lui faire prendre l'air de temps en temps. Au cours du premier trimestre de ma scolarité, si je me rappelle bien, j'étais le recordman de distance parcourue de la 7ème compagnie. La marche, c'est rudement formateur !